La prospective, victime du Covid-19? Une contribution de Philippe Portier (formateur, consultant et monteur de projets, membre de l’équipe RIST)

 

La prospective se propose – non pas de ‘prévoir’ – mais de ‘préparer’ le futur[1]. Les futuribles[2] résultent de chocs imprévisibles entre ‘facteurs’ et ‘acteurs’. Leurs réseaux d’influence mettent au jour leur motricité / dépendance. A partir de scénarios extrêmes, des veilles stratégiques captent les ‘signaux faibles’. Ils déclenchent des dispositifs PDCA adaptés par scénario. Le processus est réactualisé régulièrement.

 

Face au COVID-19, la méthodologie prospective paraissait être en posture d’anticiper sur les effets systémiques entre composantes épidémiques et acteurs impliqués (OMS, états, systèmes de santé, entreprises, populations…). Gouverner c’est prévoir ; or presque rien ne semblait prévu.

 

Les zoonoses provenant de Chine sont récurrentes[3] : SARS coronavirus (2003), grippe aviaire (2004), grippe H1N1 (2009), MERS coronavirus (2012), COVID-19 coronavirus (2019). La contamination voyage à travers les échanges humains. Les coronavirus provoquent des infections respiratoires tuant par an 2,6 millions de personnes dans le monde (2018) et 68.000 personnes en France (2017). Enfin les comportements des acteurs obéissent à la courbe de Kübler-Ross[4] : déni, colère, marchandage, dépression, acceptation (DABDA).

 

L’échec des prospectives épidémiques est à chercher du côté des « décisions absurdes »[5]. La balkanisation des technocratures interdit toute approche intégrée entre managers, experts et candides. Chacun mobilise des bricolages cognitifs construisant des sentiers d’erreurs radicales ; masques, tests, isolement, confinement ? D’autant plus que les sens visés par ces actions sont contradictoires : personnes touchées, croissance économique, préservation du tissu social, libertés individuelles ?

 

L’outil prospective n’est pas invalidée par le COVID-19. Par contre, il révèle une cécité collective qui interroge des processus prospectifs générant des effet-avalanche de décisions absurdes.

 

[1] Michel GODET, Manuel de prospective (2 tomes), Dunod, 2007

[2] V. Revue Futuribles dirigée par Hugues de Jouvenel

[3] Professeur Didier RAOULT, Epidémies, vrais dangers et fausses alertes, 2020

[4] Elisabeth KUBLER-ROSS, Les derniers instants de la vie (On Death and Dying), 1969

[5] Christian MOREL, Les décisions absurdes, Sociologie des erreurs radicales et persistantes, Gallimard, 2002

 

Philippe Portier