Crise covid et santé mentale. Une contribution de Vincent Loury (formateur, consultant, psy de l’Ecole de Palo Alto, membre de l’équipe RIST)

 

Pour beaucoup d’entre nous, le confinement est une expérience émotionnelle correctrice qui modifiera plus ou moins profondément le prisme de notre vision du monde…

 

L’idée même de déplacement appartient déjà au passé, la poignée de mains est un geste inapproprié, l’éternuement un acte terroriste, le sourire un grave manque de conséquence, l’embrassade un suicide !

 

Se dissimuler derrière un masque, éviter tout contact avec l’autre, se terrer chez soi, ne pas consommer au risque de tarir de nombreuses filières professionnelles, voilà aujourd’hui le nouveau sens du collectif.

 

Ermitage heureux pour certains, cauchemar claustrophobe pour d’autres, nous ne sommes pas égaux devant le confinement, pas plus d’ailleurs que nous ne l’étions avant.

 

L’avant et l’après se dessinent sur toutes les lèvres. Passé et futur se côtoient dans notre vie psychique et nos rêveries confinées. Le disruptif tant désiré n’est plus un objectif, mais la qualité émergente de ce bouleversement mondial.

 

La moitié de la planète mise à l’arrêt annonce des lendemains inconnus, nous plaçant tels des explorateurs solitaires face à une terra incognita, suscitant chez nous un mélange de crainte et d’excitation, partagés entre l’espérance d’un monde meilleur et la peur de la fin du monde

 

Côté professionnel, rôles et fonctions se réadaptent au gré du télétravail, pendant que ceux, habituellement en coulisses, sont projetés sur le devant de la scène pour y être applaudis chaque soir, tels des héros nationaux.

 

D’autres préfèrent se dire que l’on a mis sur pause le grand orchestre philharmonique de l’industrie mondialisée, et qu’il suffira de faire “plus de la même chose”, de ce qu’on faisait avant, pour retrouver la bonne mesure. Mais cette “marche forcée” volontariste risque fort de ne plus fonctionner dans un contexte redessiné de fond en comble.

 

Il faudra bien que les français se remettent au travail” claironnait un chef d’entreprise sur Euronews. Mais son ton disait toute l’inquiétude et le caractère incantatoire d’une telle formule. Le “Il faudra bien que…” risquera fort de ne pas suffire pour convaincre les uns et les autres de faire après ce qu’ils faisaient avant.

 

Constellations inédites et nouvelles interactions dessineront sûrement un nouveau rapport au travail et il est probable que la capacité d’adaptation des individus soit sur-sollicitée par le contexte.

 

Déjà aujourd’hui les thérapeutes, toutes tendances confondues, sont impliqués dans la prise en charge du stress des personnels soignants et des personnes confinées. Il n’est pas à douter qu’ils interviendront tout autant sur la gestion de l’après.

 

On peut en effet s’attendre au sein des organisations à l’apparition de nouveaux risques psychosociaux ; personnalités difficiles, structures borderlines, troubles anxieux et désordres psychiques émergents ont toutes les chances de s’épanouir dans le bouillon de l’après-crise.

 

Or l’accompagnement et la prise en charge de ces nouveaux risques incombera essentiellement aux fonctions  R.H.  Elles devront pour cela être en lien étroit avec des professionnels, ces fameux “psys”, plus que jamais mobilisés.

 

Vincent Loury