Présentation de l’initiative

Nous vous proposons de nous saisir de la période actuelle, chargée et stressante mais aussi génératrice de temps plus libre, pour réfléchir et préparer le Futur.

RIST prévoit pour cela d’envoyer tous les deux jours (à 16H) à sa communauté, à vous-même, des textes de réflexion originaux produits par ses équipes et concernant le management de la recherche et de l’innovation, et aussi l’avenir des fonctions support. Des textes augmentés (de liens, de vidéos, de sons), permettant l’interaction…

Notre texte complet de présentation est disponible sur le site de rist

https://rist-groupe.fr/en-sortir-grandis-preparer-lavenir/

 

Le thème du jour

Comprendre notre monde qui semble évoluer plus vite que nos cerveaux devient une gageure. Un monde dit « hypermoderne » (voir par exemple « Les Temps Hypermodernes », essai de Gilles Lipovetsky écrit avec Sébastien Charles chez Grasset) qui prend l’hédonisme individuel des temps postmodernes, et renforce à l’outrance (« hyper » suggérant le trop, le dépassement des limites) le culte du présent et du risque.

L’hypermodernité et cet individu, sortant de sa chrysalide de salarié et devenant un être total et central dans l’organisation, déboussole les dirigeants d’entreprises, et c’est en y réfléchissant dans le cadre du TAO TANK© (voir http://taotank.com) que nous avons été amenés à proposer un modèle simple permettant une représentation des relations entre ces « hyper-acteurs » en présence. Un modèle nécessaire aux travaux du TAO TANK©, qui s’attache à réfléchir les évolutions des fonctions support des organisations.

 

Un modèle bien utile également pour éclairer les mutations en cours des populations d’experts (c’est l’une des six plateformes de RIST) et resituer les enjeux de ce qu’on appelait la « gestion de carrière » (la question de l’accompagnement de carrière correspond à une autre plateforme).

 

 

Nous vous proposons l’accès à deux textes :

N’hésitez pas à y réagir par le biais de contact@rist-groupe.fr, à signaler des textes qui y font écho ou qui entrent en contradiction. N’hésitez pas à envoyer des témoignages sous forme écrite, vidéo ou audio; avec votre autorisation, nous vous publierons sur le site RIST, sur la présente page.

 

Lisez le témoignage écrit suite à la lecture de notre publi par un DRH de grand groupe sur ses équipes IT, que les chefs de projets trouvaient bien fatiguées…Une illustration des relations complexes entre organisation, individus, projets et formes transverses fluides…

27 mars

 » Nos chefs de projet IT ont fini par m’alerter: leurs jeunes ingénieurs arrivaient sur les plateaux de plus en plus fatigués…Cela commençait à se ressentir sur la performance des équipes, et j’ai du faire ma petite enquête de DRH. Le pot aux roses: ces jeunes stars IT s’étaient insérées dans des groupes de jeunes provenant de multiples horizons, ce que vous appelez des formes transverses fluides, et y travaillaient la nuit, sur des projets qui les passionnaient! Mon sang n’a fait qu’un tour, réflexe de DRH, relecture des contrats, etc..Puis j’ai discuté avec les chefs de projets, et notre conviction était que le mieux était au contraire d’accompagner, voire d’encourager le mouvement, en l’encadrant tout de même…Cela allait fidéliser cette population hautement volatile, diminuer les tractations et participer à leur formation pour qu’ils restent up to date sur leurs technos pointues… »

Lisez aussi ce témoignage assez traumatisant d’un patron d’équipe IT d’une autre entreprise, aux prises avec des générations successives d’ingénieurs…Interviewé à sa demande ce matin 27 mars…une catharsis impossible!

« J’ai introduit le concept et les méthodes agiles. On a cassé l’organisation par métiers, pour baser tout autour des projets . On se retrouve par équipe projet, au même endroit, au même moment. L’info circule par oral, c’est cent fois plus rapide . Ça a augmenté l’informel, il y a eu fluidification . On a créé de véritables petites équipes projet, avec un sentiment d’appartenance, et une solidarité. Quand le projet a des difficultés, c’est à cause de tout le monde.

On commence à voir disparaître les silos par expertise.

La difficulté, c’est qu’une même personne est généralement impliquée dans plusieurs projets. L’équipe projet n’est donc pas réunie en permanence mais lors de « sprints » de 15 jours, voire moins.

Il n’y a plus de hiérarchie à proprement parler dans ce type d’organisation. Une équipe projet s’auto-organise. Même le « product owner » n’a rien d’un boss. Evidemment, les anciens boss (par métier) sont assez perturbés…

L’équipe n’est constituée pratiquement que de jeunes. Quand je parle de générations, ça correspond à des différences de quelques années seulement.

Ce qui motive un jeune IT d’après moi, dans l’ordre d’importance, sachant que chacun a sa propre petite combinaison, la techno peut arriver souvent en tête:

  • Une équipe qui tourne bien
  • Des produits palpables, de la production de concret
  • Le salaire (inflation salariale dans ces métiers)
  • L’utilisation de technos à la pointe, en contexte innovant, l’accès à des technos pas encore sur le marché 
  • Le renforcement de leurs compétences, de leur valeur sur le marché de l’emploi (ils y sont extrêmement attentifs)

Par contre ils n’ont rien à faire de notre boite et de ses clients. Pour eux, cela n’a pas de réalité.

Le turn over est de 15 à 20% par an.

Le plus difficile est le salaire. Notre système de rémunération est le même pour tout le monde, dans la SS2I, et cela n’est pas adapté à notre équipe IT ; rien d’ailleurs n’est adapté, la RH en général n’est pas  adaptée, les achats ne sont pas adaptés, etc.

Quand un expert doit faire un changement de techno, c’est aussi très compliqué. Cela arrive souvent, soit lors d’un lancement de nouveau projet, soit à l’intérieur même d’un projet. Ils traînent des pieds, ça plombe l’atmosphère, il faut essayer d’amadouer. Parfois, ça ne suffit pas, les jeunes sont trop attachés à leur techno, ils se démobilisent et créent une mauvaise ambiance, et on est obligé de les sortir .

Le cas type : un jeune est recruté pour participer à un projet, il a une bonne maîtrise d’une techno qu’il adore, et renforce son expertise du fait de son action dans le projet. Ensuite, il voudra à tout prix rester sur cette techno ; ils sont finalement réfractaires au changement ! Ils ne comprennent pas que ne pas changer c’est dangereux pour eux. Ils ont du mal aussi avec les contraintes business. Si le business model est flou, incertain, on construit d’abord rapidement une maquette. Les jeunes réagissent très mal face à cette pratique, ils disent qu’on fait du quick and durty. Il y a des clashs…

Quand il y a des changements de techno ou liés aux business models, qu’il y a de la tension, on ne garde que ceux qui sont volontaires. On ne peut faire autrement. Puis on essaie de revendre le projet aux autres pour qu’ils reviennent. On a quand même complètement besoin d’eux, notamment dans les phases aval des projets.  C’est compliqué parce qu’ici, tous les gars ont leur idée, ils réinventent le monde en permanence, ils ne veulent pas tenir compte du passif, des enseignements de l’histoire…Ils ont envie de faire leur truc et que cela dure longtemps. Ils ne voient pas les contraintes, les enjeux business, etc. Généralement, les mécontents s’agglomèrent, cela crée des mini groupes de rebelles, ça devient très compliqué. On essaie d’être collectifs, mais c’est quasi impossible, et du coup beaucoup sont déçus. 

Dans un projet qui peut durer entre 3 et 6 mois, il y a un noyau full time. Quand l’un des membres de ce noyau quitte le projet, pour une raison ou pour une autre, cela peut devenir un vrai problème. Il y a des équipiers brillants qui sont « clef ». Ce sont des gens qui connaissent tous les aspects du projet, qui maîtrisent le projet, qui portent l’idée. Avec aussi un profil particulier de gens très explorateurs, qui font merveille en début de projet, qui manipulent un grand nombre de technos, qui sont curieux, qui touchent à tout. Ceux-là travaillent très bien avec les experts marketing/innovation. Ils sont ouverts et pédagogues, mais ils sont moins intéressants en aval des projets.

Si un équipier clef part, il faut trouver de nouveaux équipiers qui peuvent tenir le même rôle. Or il faut trois mois pour simplement recruter. Puis il faut intégrer dans l’équipe, légitimer la présence, c’est long et périlleux compte tenu du rythme des projets.

Un cas extrême, mais finalement de nature assez fréquente, est celui d’applis à développer avec une date butoir impérative. Je pense à un projet parmi cent…Il y avait trois personnes sur ce projet, qui se savaient en position de force. On était en retard, avec de l’incertitude, l’engagement de chacun était incertain, on pouvait très bien arriver en retard, et du coup perdre tout l’intérêt du projet. Si l’une des trois ressources venait à manquer, on ne pouvait faire venir un quatrième, car le temps de mettre cela au point et c’était mort. J’ai cru devenir fou…

On peut motiver les équipiers incertains à l’aide du paiement d’heures supplémentaires. Un certain nombre sont prêts à l’accepter. Certains sont sensibles à la reconnaissance, au fait de sauver le projet, mais ce n’est pas le moteur principal. Pour beaucoup, c’est l’argent qui compte d’abord. Pour sauver le projet, il fallait travailler les WE. Il y a eu deux équipiers qui ont refusé.

Beaucoup de nouveaux jeunes n’en ont rien à faire. De toute façon, ils font beaucoup de choses en parallèle à leur job de chez nous. Ce sont des mercenaires. Et cela même si c’est important pour eux d’avoir un bon environnement humain, une équipe sympa. N’empêche que beaucoup partent du travail à 18H00 quoi qu’il arrive, parfois dés 17H.

Les quelques 30 – 40 ans sont un peu différents, qui sont à la fois plus investis et plus exigeants. Pour eux, l’argent est moins un driver. Il y a aussi la valeur intrinsèque du projet. Ces personnes finissent par créer des activités, leur start-up à l’extérieur, qui émerge alors qu’ils travaillaient depuis longtemps en parallèle à l’extérieur.

Il y a une réelle hétérogénéité, du coup, ce qui complique encore le management, la possibilité d’asseoir des règles du jeu valables pour tout le monde. Il y a une règle qui s’est progressivement instaurée dans la confiance, qui est que quelqu’un qui travaille réellement plus pour un projet, qui dépanne, a un « plus » en terme d’incentive. Dans la confiance, les personnes s’impliquent puis constatent que la règle informelle s’applique avec un esprit de justice. Puis plus récemment, les équipiers se sont mis à demander « combien », à monnayer ex ante. Cela oblige à être précis avec chacun, en prenant en compte chaque situation. Cela devient quasi impossible à tenir, d’autant qu’ils échangent sans problème sur leurs salaires et leurs primes. Ils sont en comparaison permanente. Il faut tenir des normes coûte que coûte, alors que parfois, la négociation est placée par l’équipier sur un plan très individuel, sans prise en compte des repères et des normes collectives.

 Dans le cas du projet infernal évoqué plus haut , il y avait trois équipiers qui ont eu chacun une attitude différente. L’un était OK pour travailler plus sans poser de questions, l’autre a tâté le terrain et a négocié une forte prime, le troisième a refusé de travailler plus. On a vu plus haut qu’on ne pouvait embarquer des équipiers facilement. Souvent, c’est le chef n+1, qui est le grand expert, mais qui n’a plus l’habitude de travailler au sein de l’équipe sur du concret, qui apporte dans les crises sa force de travail et qui peut ainsi sauver le projet. Comme il n’y a plus de n+1, c’est moi qui monte directement un créneau. Pour moi là ça devient vraiment très compliqué. Il faudrait redéfinir le management, avoir des managers aux profils spécifiques, bien adaptés à ces cas de figure. »

 

Le prochain thème sera mis en ligne le samedi 28 mars à 16H

Cécélération, pourquoi, comment?

Qui sera introduit par une vidéo d’interview de Anne Vanet, Vice présidente digital transformation et open science de l’Université Paris Diderot, une vidéo complétée par deux textes obliques:

« Accélération, complexité, aliénation et arrêt: défis des temps actuels » par Dominique Lafon (où l’évocation de nos poètes et romanciers tend à montrer que le sujet prend ses racines profondément)

« Le théâtre, lieu de cécélération ? Le contre exemple Ostermeier », article de Marjorie Bertin dérivé d’un papier académique à paraître dans la revue Alternatives théâtrales

 

Il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter un bon confinement, une belle prudence, du courage et de l’audace dans la préparation de l’action à venir !

 

L’équipe RIST