Construire, évaluer, améliorer, piloter l’efficacité d’une équipe de recherche : vers un modèle ad hoc

 

Point de vue

Comment construire, évaluer, améliorer, piloter l’efficacité d’une équipe de recherche ? Si ce questionnement peut présenter pour certains une quête contestable de « new public management » dans le contexte de la recherche publique, voire un relent « managérialiste », il n’en demeure pas moins à l’esprit de nombreux chefs de labos, de patrons d’organisations publiques et privées et de dirigeants d’agences de financement de la recherche.
Son traitement ne va pas de soi, car justement, les recettes managériales classiques s’appliquent mal dans le monde de la recherche, pour différentes raisons que nous ne développerons pas ici. Nous proposons un modèle original en considérant un laboratoire comme une alliance entre les acteurs que sont les chercheurs et autres personnels.
Chaque chercheur dispose d’une certaine autonomie, a des buts propres, s’inscrit dans un monde particulier (au sens de Boltanski et Thévenot), est encastré dans une mini-communauté disciplinaire transversale à son unité, et se positionne dans des réseaux internes et externes constitutifs d’interdépendances et de tensions coopétitives. Le coordinateur de l’alliance, c’est-à-dire le responsable de laboratoire, est là pour apporter la cohésion et la coordination nécessaires à l’action et la réussite collective, tout en tirant parti des forces des individus, de leur créativité, de leur engagement dans la réalisation de leurs buts individuels et collectifs, et cela dans un environnement très complexe.
L’efficacité peut alors se mesurer et s’améliorer selon trois axes imbriqués :

  1. efficacité du partenariat, c’est-à-dire du laboratoire, mesurée par rapport aux enjeux, visions et roadmaps collectifs
  2. efficacité de chaque partenaire, c’est-à-dire de chaque chercheur travaillant au sein de l’équipe, mesurée par rapport à ses propres enjeux, visions et roadmaps individuels
  3. efficacité de la relation au sein de l’équipe.

J’ai développé ce modèle pour rendre compte de la performance des alliances inter entreprises, mais aussi intra entreprise (communautés de pratiques, laboratoires, Key Enabling Technologies, Capacités Technologiques, pôles de compétences). Il se décline en sous axes, en indicateurs et en leviers d’amélioration.
Pour prendre un exemple sans le décrire en détail, l’axe  « efficacité du partenariat » peut se décliner, dans un contexte donné, en différents sous-axes :

  • Niveau de différenciation, qualité du positionnement et cohérence du portefeuille de projets, mesurés par rapport à la stratégie de recherche et à l’environnement de recherche du laboratoire
  • Niveau de mutualisation des outils et ressources au sein du laboratoire
  • Niveau et nature d’Open Innovation (collaborations, conférences, etc.)
  • Visibilité et positionnement dans les réseaux de recherche
  • Etat d’avancement du portefeuille de projets
  • Quantité et disponibilité des ressources mobilisées
  • Retombées du portefeuille de projet, niveau de production scientifique et d’innovation, comparativement aux équipes travaillant sur les mêmes thèmes

L’axe « efficacité relationnelle » peut se décliner, dans le même contexte, en

  • Vision partagée par l’équipe (à quoi sert le labo, vers où doit-il aller ?)
  • Vision partagée par les parties prenantes extérieures à l’équipe
  • Degré de collégialité et d’acceptation des décisions prises concernant les projets de recherche
  • Intensité des échanges, du partage de ressources
  • Qualité et degré de complémentarité perçus des contributions
  • Perception de justice distributive dans l’équipe (« équité »)

Chaque réalité organisationnelle appelle un développement spécifique de ce modèle, une déclinaison unique des axes, des indicateurs et des leviers d’action. Et la mise au point collective de l’outil est en soit un acte managérial fondateur, porteur d’une dynamique positive.
Fabien Blanchot
 

Démarche RIST

RIST propose un séminaire inter entreprise de formation-action destiné aux pilotes des alliances, aux organisations transverses, utilisant ce modèle et permettant de travailler à son déploiement collectif. (cf notre catalogue inter-entreprises : Piloter une équipe R&D transverse). Ce séminaire peut se décliner en intra, pour les organisations transversales mais aussi pour des labos considérés comme des alliances.
Par ailleurs, nous proposons des appuis directs sous forme de coaching d’équipe pour la mise en œuvre de la méthode.
La première formule (séminaires de formation inter) permet de voir comment des organisations différentes de la sienne abordent la question et mettent en œuvre le changement. La dernière présente l’intérêt d’impliquer directement tout le collectif.
 
Articles et documents de recherche produits par des chercheurs membres de RIST sur le sujet
AGGERI, F., F. BLANCHOT, F. FORT et al. (2006). Dynamics of partnership in NEST projects. Bruxelles, European Commission – DG Research: 45p ;
AGGERI, F., F. BLANCHOT, F. FORT et al. (2006). Dynamics of partnership in NEST projects, Work Package II, Deliverable D2. Brussels, European Community – DG Research – NEST.. ;
BLANCHOT, F. et F. FORT (2007). « Coopétition et alliances en R&D – Le cas de consortia de recherche du PCRD européen. » Revue Française de Gestion 33(176): 163-182.
BLANCHOT, F. (2007), « L’alliance comme levier et lieu du changement », in : Meier O. (sous la dir. de), Gestion du changement, Dunod, Gestion Sup, novembre