Une chronique proposée par

François Fort & Dominique Morin

 

 

 

Une science pour un impact ?

 

Les résultats scientifiques font constamment grossir le réservoir des connaissances de l’humanité, produisent de l’expertise et génèrent de l’innovation à la rencontre des usages. Chacune de ces trois finalités a son impact propre. Par exemple, il est indéniable que la sociologie est susceptible d’apporter à chacun une meilleure compréhension de ce qui lui arrive, et peut l’aider ainsi, par cette seule prise de conscience, à mieux vivre en société. L’expertise sur les risques majeurs est évidemment cruciale pour alerter et éclairer les décisions. L’innovation n’attend pas la science et la technologie, certes, mais indéniablement ces dernières apportent de nouvelles solutions qui ouvrent  la porte à de nouveaux usages ! Or il faut le reconnaître, l’innovation est souvent l’enfant bâtard de la science, même si nombreux sont nos organismes de recherche publique ou semi-publique qui mettent « l’impact » ou « l’innovation » en vitrine, et font de louables efforts en ce sens. Et même si nos structures nationales de soutien à l’innovation (Instituts Carnot, SATTs, BPI, etc.) actionnent les leviers non négligeables qui sont les leurs.

 

Trois approches pour faire cohabiter science et innovation

 

Comment faire surgir l’innovation de ce Monde scientifique réputé clos par nombre de nos épistémologues ? Dans les faits, trois approches prédominent. La première, c’est la vulgarisation, qui originellement s’attache à constater les produits de sortie scientifiques et à essayer de les pousser vers des usages en espérant que le hasard fasse bien les choses. La seconde consiste à partir de besoins d’industriels et à signer des contrats en PPP tirant ponctuellement quelques efforts scientifiques vers l’aval. On pourra classer dans cette catégorie les démarches de conception innovantes (méthode CK présentées dans une précédente chronique par Dominique Lafon, produit concret issu d’une vision conceptuelle intégrée dite « RID »).  On aura reconnu dans ces deux premières approches respectivement le « push » et le « pull ». La troisième consiste à structurer les grandes lignes scientifiques par des appels d’offre larges pointant à l’horizon quelques grandes catégories d’usages, passages obligés des organismes scientifiques pour accroître leurs ressources. Une régulation push – pull aux résultats incertains dans la mesure où les équipes de recherche ont parfois le réflexe de mobiliser ces moyens pour avancer sur leurs propres agendas, qui ne sont pas forcément alignés avec les objectifs desdits appels d’offre.

 

Tout cela est quelque peu caricatural, car ces formes se mêlent et finissent par lier les choses, selon des mécanismes naturels peu mis sous contrôle, ou des processus anthropiques souvent dépassés par la nature. Il n’en reste pas moins que la question reste posée d’une intégration plus grande de la science et des questions d’impact, dès la conception même des programmes scientifiques et tout au long de leur pilotage.

 

RIST, comme beaucoup d’acteurs des mondes de la science et de l’innovation, se penche sur ce challenge et fait quelques propositions.

La philosophie exposée ci-dessous d’abord.

Nous pensons que le concept de frontier research tel que proposé par la DG Recherche de la Commission Européenne fournit un cadre de pensée convainquant et allant dans le bon sens, pour un grand nombre de situations.

 

Fontier Research:

See “Frontier Research: the European Challenge” (2005), EC – DG Research Report, 61 p. In this document, Frontier Research is described as followed:

-Frontier research stands at the forefront of creating new knowledge and developing new understanding . Those involved are responsible for fundamental discoveries and advances in theoretical and empirical understanding, and even achieving the occasional revolutionalry breakthrough that completely changes our knowledge of the world.

-Frontier research is an intrinsically risky endeavour. In the new and most exciting research areas, the approach or trajectory that may prove most fruitful for developing the field is often not clear. Researchers must be bold and take risks.

-The traditional distinction between “basic” and “applied” research implies that research can be either one or the other, but not both. With frontier research, researchers may well be concerned with both new knowledge, about the world, and with generating potentially usefull knowledge at the same time. Therefore, there is a much closer and more intimate connection between the resulting science and technology, with few of the barriers that arise when basic research and applied research are carried out separately.

 Frontier research pursues questions irrespective of established disciplinary boundaries. It may well involve multi-, inter- or tans-disciplinray research that brings together researchers from different theoretical and conceptual approaches, techniques, methodologies and instrumentation, perhaps even different goals and motivations.

 

Puis les leviers concrets : RIST avec ses partenaires a identifié et mis au point une vingtaine de « concepts/méthodes/outils » permettant de mieux intégrer science et innovation, lors des exercices amont de programmation scientifique comme lors du pilotage, et cela en permettant de se dégager de l’obstacle que constitue la catégorisation « push » et « pull ».

Nous donnerons 8 exemples tirés du programme en cours de réalisation au sein du BRGM, qui doit aider cet EPIC de recherche à (re)booster son innovation :

  • structurer en partie les programmes autour de Key Enabling Technologies ambitieuses ;
  • choisir et abonder les Projets de Recherche « Phase Zéro » par des acteurs aval ;
  • mettre en place systématiquement des screening « time to market » et « tuer » les projets qui ont peu d’espoir d’être dans la bonne fenêtre ;
  • développer les relations long terme science/société, avec notamment la mise en place de focus groups au sein des écosystèmes sociaux, de systèmes multi agents pour la modélisation de ces écosystèmes et pour éclairer la prospective ;
  • développer l’ingénierie des spillovers, que l’on peut définir comme étant les pendants positifs des risques, gisements inattendus qu’il s’agit de repérer, accepter et, si cela paraît opportun, d’exploiter ;
  • mettre en place un pilotage intégré science/partenariats/innovation/concurrence/spillovers/risques avec un ensemble de scénarios alternatifs ;
  • évaluer l’intérêt des projets scientifiques en fonction des ressources mobilisables, internes et externes, renforcer l’intelligence et le leadership des réseaux, développer des stratégies de partenariat ad hoc.

 

Pour témoigner, apporter au débat, poser des questions:

contact@rist-groupe.fr

 

Prochaine chronique lundi 27 avril à 16H: « La prospective en débâcle », avec une variété de notes d’humeur et témoignages…

 

Il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter un bon confinement, une belle prudence, du courage et de l’audace dans la préparation de l’action à venir !

 

L’équipe RIST